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16 mai 2022

Psyché et Eros, éléments d'analyse jungienne

Psyché et Eros

https://www.voyageinterieur-contesetmythes.fr/blog-voyage-au-coeur-de-la-psyche/que-nous-revelent-les-contes-et-mythes/enigme-du-couple-couple-ideal-et-desincarne-eros-et-psyche.html

 

Extraits :

Éros signifie le "désir amoureux": à l’origine, il est un dieu primitif adoré sous la forme d’un phallus de bois ou de pierre. Chez les Grecs, Éros est un demi-dieu, proche du "daïmon" des Grecs, un intermédiaire entre les mortels et les immortels. 

Il n’y a pas de réel processus de maturation sans expérience de l’amour, car l’amour torture et purifie l’âme. Souvent, on aimerait fuir la personne qui nous tourmente et nous rend dépendants, mais Éros nous contraint, en vivant cette relation jusqu’au bout, à devenir plus conscients. 

 

 

En grec, "psyché" signifie le "souffle vital", "l’âme" et le "papillon". Dans ce conte, c’est l’aspect humain de Psyché qui prédomine.

Selon l’oracle - cet intermédiaire entre le conscient et l’inconscient -, Psyché doit être livrée à un monstrueux serpent et exposée sur une montagne, au risque d’en mourir.

Psyché s’est identifiée à des valeurs trop élevées et divines. C’est ainsi qu’elle a attiré sur elle-même son funeste destin. 

Jung exprime clairement ce processus: "Ce qu’on ne veut pas savoir de soi finit par arriver de l’extérieur comme un destin."

Ne pas avoir le droit de regarder son mari est révélateur de cet état. Ne pas voir la réalité, ne pas être conscient, avoir des illusions correspond à l’état amoureux. Dans cet état, l’amour est aveugle et donne des ailes. 

Ce ne sont pas deux êtres conscients qui se rencontrent, mais les archétypes du masculin et du féminin qui sont inconscients. Cela peut être une entrave à l’amour lorsqu’il devra s’incarner et se confronter à la réalité.

 

Cette situation idyllique et inconsciente ne peut pas durer indéfiniment. Elle va réveiller les aspects opposés, obscurs, incarnés par les deux soeurs de Psyché.

Après avoir vécu l'aspect merveilleux de l’amour, on doit retrouver le quotidien banal et ordinaire. Le paradis est "trop beau pour être vrai". Si l’on demeure dans cette illusion, il risque de se transformer en enfer. 

Psyché est extrêmement crédule et naïve. Éros lui-même ne cesse de le lui répéter. Mais elle n’en continue pas moins de vivre dans ce monde idéal qu’elle s’est créé, sans vouloir voir la réalité.

Elle n’a pas conscience de son ombre, de ses aspects obscurs. Elle n’est pas lucide au sujet de ses sœurs mesquines, étroites d’esprit, superficielles, obsédées par les richesses matérielles. Et elle suit leurs conseils. 

Psyché n’est pas assez mûre et consciente pour unifier les deux aspects opposés de la vie, l'aspect divin et l’aspect humain. Unifier ces opposés en soi est la chose la plus difficile qui soit, car il s’agit d’un paradoxe intérieur que nous devons tenter de dépasser, de transcender.

En regardant Éros, qu’elle prend pour un serpent, Psyché cause sa perte.

Sur le plan psychologique, si l'amour est trop inconscient et infantile, s’il régresse, il finit par devenir froid et inhumain.

Le serpent-dragon représente un contenu inconscient déshumanisé. En général, tout ce qui est inconscient est déshumanisé, particulièrement les couches les plus profondes. 

Rendre conscients ces contenus inconscients consiste à établir un lien avec eux, ce qui permet de les comprendre, les assimiler et les humaniser.

Sur le plan religieux, c’est le sens du concept de "salut" ou rédemption chrétien. Humaniser l’inconscient primitif et archaïque consiste à ramener à la conscience ce qui subsiste en nous de notre nature primitive. 

Conditionnée par son ombre, Psyché devient inhumaine et projette ses aspects obscurs sur Éros. Elle suit les conseils de ses sœurs "ombrageuses", prend une lampe à huile et un rasoir (couteau) pour tuer Éros.

C’est alors qu’elle découvre la véritable nature de son époux et en tombe follement amoureuse. Cette découverte est si bouleversante qu'elle laisse tomber son rasoir, et qu’une goutte d’huile brûlante tombe de sa lampe sur Éros, ce qui le blesse. Elle-même se pique jusqu’au sang avec une flèche d’Éros qu’elle manipule.

Tous deux sont blessés.

La lampe, source de lumière, est un symbole de la conscience. La lampe de Psyché voit Éros comme un bel animal, un objet sexuel. C’est un regard limité qui chasse le dieu, le divin. L’huile fait souffrir Éros, parce qu’elle représente la passion brûlante, le désir de pouvoir sur l’autre, la possessivité, tout ce qui est contraire à l’amour.

C’est donc au moment où Éros la quitte que Psyché s'éveille à l’amour, et émerge de son univers paradisiaque et son inconscience.

Et c’est à ce moment que le récit devient tragique, avec la nécessité d’un chemin initiatique fait de souffrances et d’une confrontation douloureuse avec l’inconscient.

Elle accepte sa douleur et s’engage dans une quête périlleuse pour retrouver Éros. 

Lors de chaque épreuve, elle bénéficie d’une aide inattendue qui correspond au niveau de maturation qu’elle a atteint, et lui montre l’attitude juste.

Après Pan, Psyché rencontre deux déesses - Cérès et Junon. Elles ne peuvent l’aider mais lui imposent des épreuves.

Pour Cérès, déesse de la fertilité, Psyché trie volontairement des graines, anticipant ainsi sur la première épreuve imposée par Vénus.

Trier des semences variées est une épreuve courante.

Psychologiquement, les graines mélangées représentent l'inconscient collectif aux multiples contenus, figures et images. Celles-ci sont innées en chaque être humain.

Pour mettre de l’ordre parmi ces graines variées et désordonnées, on doit utiliser la fonction "sentiment", c'est-à-dire la capacité de choisir ce qui est bon pour soi, de trouver et hiérarchiser ses valeurs, la faculté de discernement...

Si le sentiment fonctionne avec justesse, le résultat est positif. On reste fidèle à sa loi ou voix intérieure - à l'inconscient auquel l'on doit faire confiance. Cette fidélité, cette loyauté, cette intégrité est le stade le plus élevé du sentiment. Lorsqu’elle s’éveille en l’être humain, elle lui permet de prendre conscience de l'ordre secret qui règne au coeur du chaos de l'inconscient.

Pour Psyché, cette relation de confiance avec l’inconscient est représentée par l’intervention des fourmis qui l’aident à trier les graines. 

La fourmi est proche des termites, des scarabées. Elle symbolise l'ordre secret de l'inconscient collectif, car la fourmilière a l’aspect d’un chaos où tout  est ordonné. 

La deuxième épreuve consiste à obtenir de la laine d'or des béliers du soleil qui sont sauvages et agressifs et ne peuvent être approchés que la nuit. 

Psyché est aidée par le bruissement de roseaux.

Dans de nombreux contes, le roseau révèle un secret: il transmet la sagesse divine grâce au vent qui souffle à travers lui.

Le souffle des roseaux ressemble aux fourmis. Ce sont des étincelles de vérité et de sagesse qui nous parviennent de l'inconscient dans un murmure. Car la vérité ne se révèle jamais à voix haute. Pour entendre sa voix, il faut être silencieux et laisser l’EGO et son verbiage s’apaiser, en se mettant dans un état de méditation et d’attention profonde.

Le bélier est le premier signe zodiacal du printemps: il représente l'impulsivité, l’agressivité, l'action sans réflexion - des caractéristiques masculines. 

Le maître du bélier est le dieu de la guerre, Mars. Un homme a souvent des difficultés à reporter une décision prise, il a besoin d'agir immédiatement. Attendre, patienter, laisser advenir les choses n'est pas une attitude masculine, mais féminine. 

Or, Psyché est possédée par son masculin et doit recueillir la laine du bélier, en attendant patiemment le crépuscule. 

Quand on est dominé par une émotion intense, il faut attendre le moment propice avant d’agir: s'interroger, se questionner et non se soumettre aveuglément à ses pulsions.

Pour sa troisième épreuve, Psyché doit se rendre à la chute d'eau mortelle du fleuve Styx et en remplir un flacon de cristal. On s’approche ici de la mort.

Le fleuve Styx en grec est le nom de la plus ancienne des déesses, celle qui régit toutes choses. Son eau est mortelle et corrosive pour tout être humain ou tout animal. Les dieux eux-mêmes la craignent.

Psychologiquement, le Styx est l'aspect effrayant de la mère archétypique et de l'inconscient collectif qu’il n’est pas possible de modifier ou de manipuler avec sa volonté, car il est inexorable.

Psyché ne peut s’approcher de cette eau mortelle. Elle n’y parvient qu’avec l’aide de l’aigle de Zeus. L’aigle est l’oiseau royal par excellence et représente le soleil parce qu’il est le seul animal à pouvoir fixer celui-ci sans se brûler les yeux.

C’est une aide divine qui est ainsi donnée à Psyché, une aide de l’inconscient.

Dans une situation désespérée, si l’on tient bon, la situation s’inverse et devient positive. C’est la loi énergétique qui entraîne le renversement d’une chose en son contraire. On ne peut la provoquer qu’en allant jusqu’à l’extrême limite d’une chose, à partir de laquelle la situation s'inverse. 

La dernière et quatrième épreuve de Psyché est la descente en enfer, la confrontation avec la mort.

Psyché fait une seconde tentative de suicide du haut d’une tour, mais celle-ci se met soudain à parler et à lui donner des conseils judicieux pour réussir cette épreuve.

La tour est un symbole de la grande déesse-mère: c’est un archétype de la mère, de la matrice, ainsi qu’un symbole d'introversion et de recueillement, une attitude intérieure qui aide Psyché à affronter ce qui l’attend.

À l’issue d’un périple difficile, elle apprivoise le cerbère et obtient de Proserpine la boîte de beauté contenant la beauté divine.

Au pays de la mort, la beauté est réservée aux dieux et elle est pour l'humain un fruit défendu, un poison.

 

La boîte de beauté suscite la seconde transgression de Psyché. Elle veut être belle pour Éros, et ne peut s’empêcher d’ouvrir la boîte, ce qui la plonge dans un sommeil mortel. 

Voler la beauté divine provoque chez la jeune fille un sommeil proche de la mort, un état d’inertie, de paralysie, de dépression.

L’onguent de beauté était destiné à Vénus pour augmenter ses charmes: l'onguent doit donc appartenir à Vénus et non à Psyché qui est humaine.

Sur le plan collectif, dans notre civilisation, la beauté physique est devenue une des valeurs les plus importantes. Cela a abouti à un esthétisme excessif, inadapté à la vraie vie, car la vie est faite d'opposés et la beauté éternelle et parfaite n'existe pas dans la réalité. 

En outre, une chose parfaite ne peut jamais être complète: la plénitude, la complétude ou l’unité est contraire à la perfection.

Toute société ou tout être humain qui cherche la perfection nie la vie dans sa plénitude et sa totalité. 

La perfection est masculine, ce qui explique sa prédominance dans notre société patriarcale. Elle est unilatérale et mène à la spécialisation, contraire à la plénitude, à l’unité, à la totalité. Notre civilisation s’est désirée parfaite dans sa quête effrénée du progrès et de la toute-puissance. Mais elle a négligé la plénitude, la totalité, l’unité… et la Vie.

De même, Psyché est fascinée par cette beauté divine, cette perfection. Et cela la fait régresser dans le domaine de l’inconscient, des dieux, et freine sa progression sur le chemin de l’humanité.

 

Le couple et l’amour posent un dilemme pénible et souvent insoluble. Soit on se laisse griser par l’aspect "divin", idéal et romantique de l’amour, soit on se fige dans son aspect quotidien et banal. 

Les êtres humains ont une grande difficulté à unifier ces deux aspects opposés. Il leur faudrait comprendre et intégrer le fait que l'amour est à la fois un mystère divin et un événement humain ordinaire.

Mais ils ne parviennent pas à réaliser une telle union, d’où l’échec de nombreux couples qui ne s’incarnent pas vraiment: soit ils demeurent dans une dimension "idéalisée" et "inconsciente", soit ils s’enlisent dans le quotidien et le concret sans intégrer la dimension spirituelle.

Sur le plan psychologique, Psyché évoque ces femmes qui font tout pour plaire à l’homme qu’elles aiment, endossent ses projections, ne réagissent pas, et empêchent l’homme de devenir conscient et de progresser pour le garder. Et les hommes qui projettent leur féminin sur de telles femmes demeurent dans l’inconscient, dans l’Olympe, parmi les dieux.

elle est devenue une vraie déesse en buvant l’ambroisie, la boisson d’immortalité des dieux, au lieu de devenir une femme. Elle a réalisé ses aspirations spirituelles au détriment de la vie et de l’humanité, régressant dans le monde de l'inconscient collectif.

Éros, lui, peut être considéré comme un "fils à maman" teinté de donjuanisme. Quand un homme vit attaché à sa mère, il se sent éternel et n’éprouve pas le besoin de s’adapter à la réalité et de vivre avec une femme réelle.

Au lieu de découvrir "l’enfant éternel" en lui comme source de vie, de créativité, de renouvellement, il s’identifie à l’enfant éternel. Il se complaît dans son complexe-mère positif où la mère et le fils forment un couple. 

Éros n'a pas davantage résolu son problème avec son féminin, figuré par sa mère Vénus. Il aurait pu demander à Jupiter de lui permettre de s’incarner, de devenir humain et de vivre avec Psyché sur terre. Mais il lui demande de faire de Psyché une déesse, de la diviniser, pour continuer à vivre avec elle dans son univers parfait et inconscient.

Cela explique peut-être pourquoi ce couple ne peut pas s’incarner dans la réalité, vivre au grand jour, et doit retourner dans l’inconscient, le monde des dieux. 

De nombreux couples réels vivent ainsi "dans l’inconscience", dans l'illusion d'une fausse perfection, et ne parviennent pas à intégrer et à unifier les aspects opposés de l’amour.

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